Maths à la p(l)age

Michel Criton

 Vous êtes sur une plage de Bretagne, au soleil. Vous observez le tracé de la côte, du moins ce que vous en voyez de votre emplacement : les rochers qui bordent la plage, les baies et les pointes. Une route suit la côte, mais elle prend des raccourcis entre deux baies ; vous en apercevez tout au plus une quinzaine de kilomètres de part et

d'autre de votre position. Mais si l'on suit la côte à pied, en longeant la mer, combien parcourrait-on entre les deux points extrêmes offerts à votre vue ? Beaucoup plus, certainement. Et qu'en serait-il pour une fourmi, qui elle aussi longerait le bord de l'eau (en faisant ici abstraction de la question du ressac et des marées qui rendent la limite mer–terre très fl uctuante) ? Le tracé de la côte de Bretagne fut une des sources d'inspiration de Benoit Mandelbrot (voir Tangente 138) pour créer les fractales, objets mathématiques présentant des propriétés d'autosimilarité, ou d'invariance d'échelle. Une image du tracé de la côte sans autre indication ne permet pas de déterminer son échelle. Mais, comme tout modèle mathématique, la vision d'une côte comme une fractale ne colle avec la réalité que dans un certain intervalle. À l'échelle atomique, un tel modèle n'a évidemment plus aucune signifi cation. On associe généralement aux fractales une dimension d'homothétie, qui est généralement non entière. Prenons ainsi la courbe de von Koch (voir Tangente 128).

 À chaque étape, chaque pointe subit une homothétie de rapport 1/3 tandis que le nombre de segments de la courbe est multiplié par 4, la longueur de la courbe étant par conséquent multipliée par 4/3. La dimension fractale de cette courbe sera défi nie comme le nombre réel d tel que 4 = 3d. Une côté relativement découpée comme celle de Bretagne a une dimension fractale comprise entre 1,25 et 1,40.

 

 Calculez la dimension fractale d du fl ocon de von Koch. Comparez cette dimension avec celle d'une côte découpée comme celle de Bretagne.

 

 Un séjour à la plage peut nous inspirer d'autres idées en observant tout simplement… le sable. Archimède s'est déjà posé le problème de majorer le nombre de grains de sable qui empliraient l'univers. Dans son ouvrage l'Arénaire, le savant voulait démontrer que ce nombre était fi ni, bien que très grand (voir Tangente 150). D'autres ont tenté de comparer le nombre de grains de sable sur la Terre et le nombre d'étoiles dans l'univers observable. Là encore, il faut modéliser la situation. Le nombre d'étoiles observables peut s'évaluer ainsi. On peut dénombrer environ 400 milliards de galaxies, une galaxie contient un nombre d'étoiles de l'ordre de 250 milliards. On arrive ainsi à un nombre potentiel d'étoiles de l'ordre de 1023. L'estimation du nombre de grains de sable sur la Terre n'est pas plus facile ! Déjà, la dimension des grains de sable n'est pas du tout uniforme (le diamètre des grains d'un sable très fin peut varier de 0,02 mm à 0,2 mm, et atteindre 2 mm pour des sable plus grossiers). Entre le volume d'un grain de 0,02 mm et celui d'un grain de 2 mm, le rapport est de un à un million ! Par ailleurs, il est diffi cile d'évaluer le volume de sable à la surface de la Terre, rivages marins et déserts confondus. Si les grains de sable étaient sphériques et calibrés, on pourrait en évaluer le nombre dans un mètre cube bien tassé. Depuis la démonstration de la conjecture de Kepler, on sait en effet qu'un empilement de sphères identiques occupe au maximum un pourcentage de l'espace égal à 100 π / (3√2), soit environ 74 %. Mais en réalité, un sable bien tassé peut occuper bien plus, les petits grains comblant les vides entre les gros…

 

SOURCES

Y a-t-il autant d'étoiles dans l'univers que de grains de sable sur Terre ? Sur le blog Science étonnante de David Louapre.
•• Y a-t-il plus d'étoiles que de grains de sable ? Vidéo du 11/02/15 disponible sur le site de la radio Europe 1.