Les dernières élections ont tourné au fiasco pour le pouvoir en place, qui doit faire face depuis des mois à une intense contestation populaire et à de sérieuses difficultés économiques. Espérant reprendre la main, le chef de l’État décide alors, à la surprise générale, de dissoudre l’Assemblée nationale…

Nous sommes en 1830, à la veille de la révolution de Juillet, l’un des épisodes les plus marquants de cette première moitié si agitée du XIXe siècle dans laquelle a vécu Augustin Louis Cauchy.

Reconnu comme l’un des mathématiciens les plus prolifiques de l’histoire, Cauchy est à la fois un chercheur exceptionnel et un homme très concerné par les tourbillons de la société de son temps. Analyse complexe, géométrie, théorie des groupes, équations différentielles, probabilités… On concevrait aisément qu’un mathématicien avec des contributions majeures dans tous ces domaines n’ait guère la vocation, et encore moins le temps, de se consacrer beaucoup au bruit et à la fureur des agitations de son époque. Pourtant, le parcours de Cauchy est aussi celui d’un homme qui se lance sans hésiter dans les débats et les luttes d’influence. Il préfère l’exil à la soumission, et se montre capable de renoncer à un poste au Bureau des longitudes plutôt que de prêter serment à un régime qu’il estime illégitime. C’est ainsi que sa fidélité à ses convictions, notamment son catholicisme fervent, est indissociable de sa trajectoire scientifique.

En relation avec la plupart des grandes figures mathématiques de son époque, Cauchy sait aussi utiliser au mieux sa position d’enseignant à la jeune et déjà prestigieuse École polytechnique. Il n’est pas anodin que ce que nous appelons les suites de Cauchy, une notion fondamentale pour la compréhension de la structure de l’ensemble des nombres réels, soient initialement proposées non pas dans le cadre d’un travail de recherche mais dans un Cours d’analyse. Tout d’abord critiqué pour son abstraction jugée excessive, cet ouvrage fondateur permettra de franchir un pas décisif dans l’histoire des mathématiques, en faisant entrer pleinement dans la modernité la notion de limite. Et à ceux qui se désolent du caractère désincarné des ε et des δ qui ont envahi l’analyse à la suite des travaux de Cauchy, répond Armand Sylvestre à la fin du XIXe siècle : « le Vrai comme le Beau s’expriment toujours par le rythme et par la symétrie, par une harmonie des caractères et des lignes. Cauchy et Hermite, qu’ils le veuillent ou non, sont des poètes comme Homère. »