C’est à un véritable plaidoyer, sous la forme d’un entretien entre Gilles Haéri et le philosophe Alain Badiou, pour une mathématique heureuse qu’on se livre dans cet ouvrage réconfortant sur les mathématiques, leur avenir et leur enseignement.
Le philosophe, résolument engagé à gauche, souhaite dans ses ouvrages comme dans ses actes donner un sens à la métaphysique, opérant une vaste synthèse entre le monde et l’être, dans une vision très largement platonicienne fondée sur les mathématiques. Cette préoccupation transparaît tout au long de ces cinq chapitres revigorants : il réussit à nous convaincre que « les mathématiques sont en dialectique serrée avec la philosophie » parce qu’elles combinent de façon singulière l’intuition et la preuve.
Tout en écorchant au passage ses collègues philosophes, les hommes politiques ou les pratiques de l’enseignement, il nous amènerait presque, dans la plus pure ligne de Platon, à croire que les mathématiques sont le plus court chemin vers la « vraie vie », c’est-à-dire, pour lui, le bonheur. On fait ici le tour non seulement des relations de couple, de Descartes à Poincaré, entre mathématiques et philosophie, mais on aborde aussi de nombreux autres problèmes, comme celui du lien entre mathématiques et langage, de la nature philosophique de la pensée mathématique ou, carrément, le partage qui se fait à l’école entre « la minorité des “bossus” et la masse des autres ». Ah, la fameuse « bosse des maths » !
Il ressort cependant de la lecture de ce livre d’une lucidité parfois grinçante un formidable message d’optimisme pour la pratique des mathématiques, que l’on devrait fréquenter, comme la philosophie, nous dit Alain Badiou, dès la dernière année de maternelle, car elles nous font « oublier nos limites pour toucher lumineusement à l’universalité du vrai ».