Une géométrie sans figures


Élisabeth Busser

Michel Chasles en avait rêvé, la théorie des espaces vectoriels le permet désormais : on peut faire de la géométrie sans tracer aucune figure. Ainsi, deux points de vue coexistent, géométrique et algébrique, et tout un chacun peut se placer dans celui où il se sent le plus à l'aise !

L'ancienne géométrie était pour Michel Chasles (1793–1880) « hérissée de figures » et il souhaitait déjà s'évader des représentations particulières qui, pour lui, emprisonnaient un problème. De nombreuses tentatives ont été faites dans ce sens au cours de l'histoire des mathématiques et la géométrie vectorielle est l'une d'elles.

 

La tentation d'une géométrie sans figure

Au XVIIe siècle déjà, si la figure en géométrie reste prégnante dans l'œuvre de René Descartes, le mathématicien et philosophe cherche déjà, avec l'introduction des coordonnées, à algébriser la géométrie, et recommande, pour venir à bout d'un problème géométrique : « De toutes les lignes courbes qui doivent être reçues en géométrie, il faut avoir soin de toujours choisir la plus simple par laquelle il est possible de le résoudre. » Pierre de Fermat va également dans ce sens, utilisant des lieux géométriques pour résoudre certains problèmes : « On a ainsi la résolution et construction exacte et la plus simple possible des problèmes de géométrie par des lieux naissant suivant le cas de courbes d'espèces différentes et convenant à ces problèmes. » Peu après, Gottfried Wilhelm Leibniz suggère, dans une lettre à Huygens de 1679, « qu'il nous faut encore une autre analyse proprement géométrique linéaire, qui exprime ... Lire la suite


références

- Dossier « Michel Chasles ». Tangente 160, 2014.
- Euler. Bibliothèque Tangente 29, 2007.
- La magie des invariants. Bibliothèque Tangente 47, 2013.
- La droite. Bibliothèque Tangente 59, 2017.