Quand Poincaré ironise


Bertrand Hauchecorne

Henri Poincaré voyait l'expérience et l'intuition comme les éléments essentiels pour fonder les mathématiques. Aussi était-il souvent ironique et même caustique envers ceux qui se gargarisaient de logique abstraite pour fonder l'arithmétique

Il visait en particulier Giuseppe Peano, Burali-Forti et le philosophe et logicien Louis Couturat, qui appartenait au même courant logiciste que Bertrand Russell. On peut lire dans Science et Méthode (Flammarion, 1908) : « Nous voyons d’abord M. Burali-Forti définir le nombre 1 de la manière suivante :

définition éminemment propre à donner une idée du nombre 1 aux personnes qui n’en auraient jamais entendu parler. J’entends trop mal le péanien pour oser risquer une critique, mais je crains que cette définition ne contienne une pétition de principe, attendu que j’aperçois 1 en chiffre dans le premier membre et Un en toutes lettres dans le second. »

« Je me hâte d’ajouter que la définition que M. Couturat donne du nombre 1 est plus satisfaisante. Un, dit-il en substance, est le nombre des éléments d’une classe dont deux éléments quelconques sont identiques. Elle est plus satisfaisante, dis-je, en ce sens que pour définir 1, il ne se sert pas du mot “un” ; en revanche, il se sert du mot “deux”. Mais j’ai peur que si on demandait à M. Couturat ce que c’est que “deux”, il ne soit obligé de se servir du mot “un”. »