Hervé Lehning (1948—2022)


Un « honnête homme », éclectique et généreux

Jacques Bair et Daniel Justens

Travailleur infatigable, Hervé Lehning a consacré son existence à la diffusion et à la vulgarisation de qualité de ces mathématiques qu’il aimait tant, désireux avant tout de faire partager sa passion. Mais il était bien plus que cela.

Hervé Lehning et trois machines à chiffrer.

 

Passeur de savoir

Il est impossible de parler d’Hervé Lehning sans évoquer son extraordinaire carrière de vulgarisateur scientifique, comme il est vain de vouloir établir la liste exhaustive des centaines d’articles qu’il a signés dans un grand nombre de revues scientifiques et, principalement, dans le magazine Tangente (il fut en particulier rédacteur en chef de Tangente Sup). Hervé touchait à tous les domaines et s’ingéniait à tout rendre accessible au plus grand nombre. Théorie des nombres, géométrie, algèbre, topologie, analyse, informatique, philosophie et histoire, esthétique, élections, modélisation, statistique, cryptographie, tous ces univers ont été explorés par lui avec bonheur, simplicité et rigueur à la fois, ce qui constitue une véritable gageure. Nous restent, heureusement, ses nombreux ouvrages, parmi lesquels l’un des derniers résume à lui seul tout le talent et l’universalité de l’auteur (il est traduit notamment en chinois !) sous un titre explicite : Toutes les mathématiques du monde (Flammarion, 2017).

 

La cryptographie comme passion

Comme la plupart des scientifiques, Hervé avait « ses » domaines de prédilection. Cela lui permettait aussi de faire bénéficier ses lecteurs et son auditoire de sa formation d’historien (il est titulaire d’une maîtrise en histoire des religions) et de ses talents de conteur. 

L’un de ces domaines, c’est la cryptographie. Dans sa Bible des codes secrets (Flammarion, 2019), il nous développe l’évolution de cet art étrange de la dissimulation savante, de l’Antiquité à Internet, de Jules César à nos systèmes informatiques actuels, en passant par la machine Enigma. Avec passion et humour, il nous y décrit cette histoire qui est (comme il le disait lui-même) « celle du combat sans merci entre ceux qui ont quelque chose à cacher et ceux qui aimeraient bien découvrir ce qu’on leur cache ». Il est difficile de séparer codage et activités militaires. Hervé, fils de militaire, était aussi commandant de réserve et membre de l’Association des réservistes du chiffre et de la sécurité de l’information (ARCSI).
 

 

Photographe, artiste et philosophe

Conférencier passionnant, Hervé aimait aussi documenter ses propos au moyen de photographies personnelles. Parcourant la nature et les cités de la planète, il y puisait d’étonnantes illustrations des propriétés, des notions, ou encore des modèles de ce monde mathématique qu’il voulait nous rendre plus proche, plus vivant. Mais l’esthétique qu’il percevait dans la science par excellence était également devenue une source d’inspiration pour lui. C’est ainsi qu’il est le créateur d’une série d’œuvres picturales et d’objets utilitaires (lampes et tasses) mettant en évidence tantôt des opérations ou des équations, tantôt des propriétés remarquables.

 

Les mugs « Pythagore » créés par Hervé.

 

De l’art à l’esthétique, puis à la philosophie, aucun domaine n’échappait à notre humaniste. Réagissant récemment encore aux propos d’un journaliste qui affirmait « croire en la science », la dernière publication mise en ligne sur son blog Math’monde (blogs.futura-sciences.com/lehning) explique en quoi l’affirmation est auto-contradictoire. Pour lui, la science est une affaire de faits.

Merci pour tout, Hervé.