Emploi et économie, l'importance des maths


Daniel Lignon

À la mi-septembre, une étude sur l’impact des mathématiques sur l’économie et l’emploi a été publiée par l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) du CNRS.

Les maths : 18 % du PIB français !

Cette étude montre qu’en 2019 la proportion des emplois salariés dont l’activité principale est en lien avec les mathématiques représente désormais 13 % des emplois, soit 3,3 millions de personnes (35 % de ces emplois sont concentrés en Île-de-France), et 18 % du produit intérieur brut (PIB) français, contre respectivement 12 % et 16 % en 2012.

On peut se demander pour quelles raisons les mathématiques sont de plus en plus présentes. C’est sans nul doute la numérisation accrue des tâches qui en est la cause principale avec, comme le dit le rapport, « la nécessité d’appréhender des systèmes complexes, de traiter et interpréter des données, de réaliser des estimations et des prévisions, ou de mettre en œuvre un raisonnement mathématique dans la prise de décision ».

Tous les domaines sont concernés par les mathématiques, y compris certains auxquels on ne s’attend pas, comme l’agriculture, où il faut, par exemple, formaliser les expertises et modéliser les risques pour qui souhaite accélérer la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Mais les domaines les plus concernés sont les activités informatiques, d’ingénierie, de gestion, de services financiers, de contrôle et d’assurance. Ils représentent environ la moitié des emplois impactés par les mathématiques. L’arrivée de l’intelligence artificielle dans certains de ces secteurs n’y est pas totalement étrangère.

 

Nombre d’emplois salariés impactés par les mathématiques
en France, en 2019 (en milliers).

 
 

La faillite des réformes

Comme l’indique le rapport de l’INSMI (voir ci-dessus), le système éducatif français peine à faire saisir l’importance des mathématiques. Les évolutions sont contrastées entre les enseignements secondaire et supérieur : depuis les années 2010, le vivier d’étudiants du supérieur en mathématiques augmente légèrement (+6 % par an en moyenne depuis 2012) mais, dans le même temps, le niveau moyen dans les enseignements primaire et secondaire diminue (voir les résultats dans les évaluations TIMSS en classes de CM1 et de 4e, où la France se situe avant-dernière des pays de l’Union européenne !). Il en est de même du nombre d’élèves suivant des cours de mathématiques dans le secondaire. Et ce ne sont pas les dernières réformes, en particulier celle du baccalauréat, qui améliorent la situation. Bien au contraire (voir Tangente 205, 2022) !

Le collectif Maths-Sciences réunit des associations de professeurs, en particulier l’APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public), des sociétés savantes, comme la SMF (Société mathématiques de France) et la SMAI (Société de mathématiques appliquées et industrielles) et des associations pour promouvoir la place des femmes dans les filières scientifiques, Femmes et Mathématiques pour n’en citer qu’une. Il a émis de nombreuses remarques et propositions pour améliorer la situation. Pour l’instant, tout cela est resté lettre morte…

 

Les maths « indispensables à l’innovation »

Fin mars, trente patrons des plus grosses entreprises françaises, représentant le quart du PIB, signaient un appel pour « sauver les maths » et demandaient de développer la place des mathématiques dans les cursus primaire, secondaire et supérieur. Ils recommandaient aussi que le monde académique conjugue la formation mathématique, culture de rigueur, avec la nécessaire conversion des entreprises au numérique et aux données.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, déclare dans la préface du rapport de l’INSMI : « L’utilité des mathématiques, leur rapport au réel, sont trop décriés dans notre pays. Pour tirer le maximum de tous nos talents, nous devons pourtant comprendre que les mathématiques sont indispensables à l’innovation et conditionnent notre place parmi les leaders mondiaux de demain. » Ces propos sont-ils de nature à rassurer les grands patrons et la communauté mathématique ? Seront-ils suivis d’effets ? Au vu des réformes passées, on peut en douter… en espérant se tromper !

Puissent les Assises des mathématiques, qui doivent se réunir du 14 au 16 novembre à Paris, aider au sursaut qu’il est urgent de faire pour que la France garde son rang dans l’économie mondiale en prodiguant un enseignement mathématique à tous les niveaux digne de ce nom.