Les jokers inséparables


Dominique Souder



La soirée se déroule comme dans un rêve. Mais voici qu’arrive le clou du spectacle, le tour de magie que tout le public attendait.

Le magicien tend au spectateur un jeu de cinquante-deux cartes qu’il doit mélanger, puis répartir en deux paquets de vingt-six cartes, l’un qu’il choisira pour lui, l’autre étant laissé au magicien. Chacun partage son paquet en trois tas, faces cachées, sans compter le nombre de cartes dans chaque tas.

Le magicien tend alors les deux jokers qui accompagnent en général tout jeu de cartes normalement constitué. Il donne l’un des jokers au spectateur, qui le place sur l’un des trois tas, face cachée. Le magicien place l’autre joker, cette fois-ci face visible, sur l’un de ses trois propres tas. Il ramasse alors très vite (sans faire remarquer sa tactique) ses trois propres tas, avec son joker visible, positionné sur son ensemble de vingt-sept cartes. Il pose ces dernières sur celui des trois tas du spectateur qui contient le joker, et termine l’assemblage en un paquet unique de cinquante-quatre cartes en plaçant les deux autres tas du spectateur par-dessus.

 

 

La puissance des puissances d’entiers

 

Le magicien distribue toutes les cartes, alternativement, en trois tas successifs (54 = 3 × 18). La seule carte visible, le joker du magicien, signale l’un des trois tas : il sera conservé, tandis que les deux autres tas seront écartés.

On recommence la manœuvre de distribution, en trois tas parallèles, avec les dix-huit cartes qui restent (18 = 3 × 6). L’un des tas de six cartes contiendra le joker visible du magicien et sera conservé ; les deux autres tas sont éliminés.

On distribue pour la troisième fois les six cartes restantes en trois tas (6 = 3 × 2). L’un des tas contient le joker visible du magicien ; les deux autres tas sont mis de côté.

On retourne la carte cachée qui accompagne le joker visible : c’est l’autre joker !

Que s’est-il passé ? Chaque personne possède vingt-sept cartes en tout. Quand le magicien rassemble les six tas, il s’arrange pour que l’on passe du joker caché du spectateur vers le joker visible du magicien en comptant de carte en carte jusqu’à 27. Puis, dans la distribution carte à carte en trois tas alternatifs, de 3 en 3 les cartes reviennent dans le même tas. Comme 27 est divisible par 3, les deux jokers seront donc dans le même tas à la première distribution (cinquante-quatre cartes), conduisant à des tas de dix-huit cartes, et on passera de l’un des jokers à l’autre en comptant neuf cartes.

Comme 9 est divisible par 3, les deux jokers seront dans le même tas à la deuxième distribution (des dix-huit cartes), qui fournit des tas de six cartes, et on passera de l’un des jokers à l’autre en comptant trois cartes.

Comme 3 est divisible par 3 (!), les deux jokers seront donc dans le même tas à la troisième distribution (des six cartes), qui mène à des tas de deux cartes, et on passera de l’un des jokers à l’autre en comptant une carte. Le tas contenant le joker visible contient l’autre joker.

Ce tour automatique est basé sur les puissances successives de 3, soit 1, 3, 9, 27, permettant un « rassemblement magique » des cinquante-quatre cartes !

 

 

SOURCES

Tours de magie, puissances de 2 et système binaire. Dominique Souder, Éditions M.O. Souder, 2019, livre numérique au format ePub.
Tours de magie et systèmes de numération de bases 3 ou 4, ou bases négatives. Dominique Souder, Éditions M.O. Souder, 2019, livre numérique au format ePub.
• « Les 4 couleurs de la base. » Présentation de Dominique Souder, Salon de la culture et des jeux mathématiques, 2021, disponible en ligne.