Alexandre Grothendieck
P DOUROUX
Allary
2016
On ne lâche pas facilement ce livre percutant d’humanité où Philippe Douroux, journaliste à Libération, nous fait vivre, jusqu’à son décès en novembre 2014, la vie d’Alexandre Grothendieck, Shurick pour les intimes, avec ses vicissitudes et ses gloires, ses fulgurances et ses contradictions. Il a rencontré π pour la première fois à 11 ans, dans un camp d’internement, où une détenue lui a expliqué pourquoi ce « nombre utile aux sages » n’était pas égal à 3 ; les mathématiques ne l’ont plus jamais quitté. On le suit lorsque, enfant, il aime à résoudre des « exercices tombés du ciel », quand, étudiant, il dialogue « d’égal à égal » avec Henri Cartan, puis rejoint le groupe Bourbaki. On participe à ses séances de rédaction nocturne de textes kilométriques de mathématiques que Jean Dieudonné corrigera le lendemain. On l’accompagne dans ses désobéissances civiques, ou l’approuve presque dans son refus des médailles. Quant au « déluge de concepts » de ses écrits mathématiques, faute de pouvoir entrer dans le détail, on apprécie au moins les néologismes fleuris, « dérivateurs », « dessins d’enfant » et autres « motifs » qui parsèment ses pérégrinations dans les espaces multidimensionnels. Un livre attachant pour un homme attachant, dont on comprend mieux après lecture pourquoi la recommandation centrale était « d’aborder les questions les plus complexes avec un regard d’enfant ».