Avant les trous noirs : les astres occlus


Jean-Jacques Dupas

En astronomie, un « trou noir » n’est ni un trou, ni noir. L’existence de ces objets célestes a été prédite par la théorie de la relativité générale d’Einstein, au début du xxe siècle. Elle a été démontrée, plusieurs décennies plus tard, par la détection d’ondes gravitationnelles résultant de la coalescence de ces objets que l’on a appelés trous noirs. Que sont-ils exactement ?

 

Un trou noir, c’est troublant ! Il s’agit d’une singularité de l’espace (voir notre dossier « Roger Penrose » dans Tangente 198, 2021) définie par sa masse et son spin. Alors, quel terme utiliser pour les nommer proprement ? Jean-Marc Lévy-Leblond préconise de revenir au terme d’astres occlus, ou d’astres obscurs. Ce terme a été forgé par Laplace dans son Exposition du système du monde :

« Un astre lumineux, de la même densité que la Terre, et dont le diamètre serait deux cent cinquante fois plus grand que le Soleil, ne permettrait, en vertu de son attraction, à aucun de ses rayons de parvenir jusqu’à nous. Il est dès lors possible que les plus grands corps lumineux de l’univers puissent, par cette cause, être invisibles. »

Mais, aussi fulgurantes qu’aient pu être l’intuition et l’audace de Laplace, ces « astres lumineux » ne correspondent pas au même concept.

L’astronome danois Ole Roemer (1644‒1710) a montré que la vitesse de la lumière est finie en étudiant les éclipses des satellites de Jupiter. Son contemporain britannique Isaac Newton a postulé la nature corpusculaire de la lumière (voir article « L'intuition géniale de l'existence des trous noirs » ). De là, on attribue une masse aux « particules de lumière ». Laplace en déduit que ces « particules de lumière » ne pourraient pas atteindre la vitesse de libération à partir d’une certaine masse de leur astre ; ce dernier serait un « astre obscur ».

Laplace retranchera le passage ci-dessus dès la troisième édition de son Exposition du système du monde, en 1808.