Délires graphiques et géométriques autour d'un bus

Élisabeth Busser



Le bus

P. Kirchner
Tanibis
2012
96 pages
15 €

Le Bus est une compilation au format à l’italienne de strips de six à huit vignettes par page, en noir et blanc, parues dans la revue américaine Heavy Metal, homologue du Métal Hurlant français, entre 1979 et 1985. La série de Paul Kirchner tourne autour de situations de la vie ordinaire : un personnage récurrent attend le bus, paie son ticket, voyage et descend du bus. Ces situations sont convenues ; ce qui l’est moins est la série d’aventures qui arrivent entre-temps au personnage, et surtout au bus. C’est ici plus le graphisme de l’auteur que ces histoires qui nous intéresse.

Paul Kirchner s’inspire en effet largement, comme il le signale d’ailleurs dans la postface, « de la logique absurde des dessins animés de la Warner, de la paranoïa de la série télévisée la Quatrième dimension et des oeuvres de Bosch, Magritte, Dali, Escher ». Conformément à ces modèles, on trouvera donc tout au long de cette compilation de nombreuses allusions géométriques : perspectives magnifiques, comme celle de la couverture, ou celles des routes empruntées par le fameux bus, homothéties à la fois sur les personnages et les représentations du bus, jeux d’imagesmiroirs comme le bus dans l’eau, composition de transformations géométriques (translation et rotations). Ces représentations évoquent d’ailleurs souvent des univers multiples : on passe d’un monde en trois dimensions à un monde plat, parfois représenté avec une « ligne de terre » très visible, comme dans une véritable épure de géométrie descriptible, où on croise des salamandres ressemblant bizarrement à celles qui peuplent les pavages d’Escher. On confond à plusieurs reprises un personnage et son reflet dans un miroir ou sa représentation sur une affiche, on rencontre des figures en abyme où les personnages se contemplent eux-mêmes. Le bus lui-même, véritable personnage mouvant et protéiforme, n’a jamais deux fois la même dénomination et ses noms successifs évoquent souvent des questions de logique (Pourquoi, Ubiquité, Par conséquentCQFD) ou une ouverture vers l’infini (Ad infinitum, Et coetera, En avantJusqu’au bout), toutes notions éminemment mathématiques.



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