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Le robot qui disjonctait

Kylie Ravera




L’Institut intergalactique est le temple de l’excellence, où exerce le redouté professeur Phi.

À l’Institut intergalactique comme dans tout autre lieu prestigieux où l’on forme les futures élites, les khôlles, ces examens oraux qui se déroulent dans un huis clos étouffant entre un examinateur sadique aux questions perfides et une triplette de disciples suant sang et eau pour les résoudre en direct devant un tableau blanc, sont redoutées. Fait rarissime : ce jour-là, la khôlle du professeur Phi est interrompue par l’irruption dans la salle de classe d’un proviseur Lambda affichant un air plus qu’ennuyé.

« Phi, j’ai besoin de votre aide. Pouvez-vous m’accompagner dans mon bureau ? »

Le professeur fronce les sourcils : « Et interrompre une khôlle de mathémagie ?

– C’est un cas de force majeure ! Nous avons un problème avec Space Force One…

– Votre vaisseau particulier ?

– Daïzon, le robot nettoyeur qui y fait le ménage, a complètement fondu les boulons. Il a pris le contrôle du vaisseau et l’a fait décoller pour le mettre en orbite autour de la planète Prépaterra. Et il a bousillé les systèmes de communication d’une façon telle que nos interactions avec lui et le vaisseau sont extrêmement limitées. Nous devons absolument trouver un moyen de l’obliger à rejoindre le sas de l’appareil afin de l’expulser du véhicule et ramener ce dernier au sol en toute sécurité. »

Le professeur Phi lance un regard rapide à Alpha, Bêta et
Epsilon, ses trois élèves qui planchent au tableau.

« Bien, leur dit-il finalement, changement de programme. Laissez tomber vos exercices sur les graphes bipartis. Je vous mets la note maximale si vous parvenez à résoudre le problème de M. Lambda. »

Ce dernier ne semble pas très emballé à l’idée d’exposer ses soucis d’intendance à ses étudiants ; il se résigne néanmoins à projeter sur le tableau un plan de son vaisseau.

 

 

 

Daïzon a fondu les boulons

 

« Nous savons que Daïzon se trouve actuellement dans le local technique, et nous devons l’amener jusqu’au sas. Nous ne pouvons pas contrôler ses déplacements mais nous pouvons les restreindre en l’obligeant à passer une porte – sans savoir sur laquelle, parmi celles disponibles dans la pièce où il se trouve, son choix se portera. À chaque fois qu’il badge au niveau d’une porte, nous reprenons la main pour verrouiller entièrement une pièce donnée, et une seule : elle deviendra alors inaccessible au robot, comme si toutes ses portes avaient été condamnées. Le problème, c’est que nous n’aurons aucun moyen de suivre les mouvements de Daïzon dans le vaisseau une fois que le processus sera lancé…

– En résumé, commente Alpha, nous devons envoyer au robot l’ordre de passer une porte, puis verrouiller une pièce de notre choix. Et redonner un ordre de franchissement pour pouvoir verrouiller de nouveau, et répéter cette séquence en aveugle jusqu’à être certain d’avoir réussi à l’amener au sas.

– Après le premier ordre, enchaîne Bêta, Daïzon sera donc soit dans le stock, soit dans la salle des machines et nous pourrons par exemple verrouiller le local technique pour qu’il n’y retourne pas avant de donner un nouvel ordre. »

Epsilon observe le plan un instant avant de demander : « Qu’est-il arrivé à la porte P0 ? »

Lambda essuie son front couvert de sueur : « Elle est définitivement fermée à cause d’un fusible qui a grillé. J’espère que ça ne va pas vous bloquer…

– Au contraire, murmure Epsilon.

– Les enfants, vous avez un quart d’heure ! » conclut le professeur Phi.

Et vous, cher lecteur, quelle procédure utiliseriez-vous pour être certain de pousser Daïzon jusqu’au sas ? Voyez-vous pourquoi il est essentiel que la porte P0 soit condamnée ?

 

 

SOLUTION