La statistique en vogue à l’opéra


Avner Bar-Hen

De manière largement indépendante du développement scientifique, une mode de la statistique s’est propagée en France à partir de 1827.

Elle fait suite à la publication de la Carte figurative de l’instruction populaire de Charles Dupin (1784‒1873), avec sa fameuse ligne Saint-Malo‒Genève censée séparer le Nord instruit du Sud ignorant. Cette mode a influencé jusqu’à… l’opérette !

Voyez en effet les paroles du « couplet de la statistique », extrait de l’opéra-comique La Belle Lurette, de Jacques Offenbach (1819‒1880), créé le 30 octobre 1880 au théâtre de la Renaissance à Paris. Dans cette opérette en trois actes, Malicorne, intendant du duc de Marly, déclame, sur un livret en français d’Ernest Blum, Édouard Blau et Raoul Toché :

« Oui, je l’avoue avec fierté, je cultive la statistique.

Mon travail est patriotique, mon but est plein d’utilité.

Il offre à tout pouvant s’étendre

Un champ si vaste et si profond

Que même que ceux-là qui le font

N’ont jamais pu rien y comprendre.

Aussi, sans cesse compliquant les calculs auxquels je me livre,

Les calculs auxquels je me livre,

Pour statistiquer, statistiquer, je veux vivre (bis).

Pour statistiquer, je veux vivre et mourir en statistiquant.

Oui, mourir en statistiquant, en statistiquant.

Pour statistiquer, je veux vivre et mourir en statistiquant.

Mourir en statistiquant ! »